Portrait du Mois
Septembre 2024

Découvrez le portrait de Bernard Fort, Co-fondateur et Président du conseil de surveillance de Tennaxia.

Le Portrait du mois par Finance Innovation

Propos recueillis par Marie Cornet-Ashby 

Vous avez exercé différentes fonctions dans le domaine de l’environnement depuis plus de 25 ans. Pouvez-vous revenir sur votre formation et votre carrière professionnelle notamment au sein de Solvay et de Séché Environnement ?

Je suis ingénieur de formation diplômé de Centrale Paris, une école géniale ! J’y ai rencontré des amis aujourd’hui toujours proches… J’ai fait mon service militaire dans la marine à Paris. Mais j’avais la chance d’être affecté à la Commission Permanente des Essais qui validait l’admission des navires au service actif, c’est-à-dire à la navigation. Et plus précisément, rattaché au Commandant sur les submersibles, j’ai eu l’immense plaisir de l’accompagner sur des projets et de plonger avec lui à bord de sous-marins à plus de 300 mètres sous l’eau dans une ambiance incroyable…

Par la suite, j’ai intégré L’Oréal du fait de mon intérêt pour l’organisation d’entreprise et les flux de production au sein d’une entreprise très performante.

Mon envie, de faire du business, s’est concrétisée lors d’une rencontre avec un cadre de Solvay… Il devait développer et commercialiser une offre de traitement des fumées industrielles à base de bicarbonate de soude. Je trouvais ce projet formidable, et je me suis engagé avec lui et une assistante, sur la partie développement commercial. Nous avons rencontré un beau succès et équipé en 2 ans une dizaine d’incinérateurs de déchets, qui avaient l’obligation de traiter leurs fumées.

C’est dans ce cadre que j’ai fait la connaissance de Joël Séché, un entrepreneur mayennais qui dirige un groupe industriel remarquable de traitement des déchets, Séché Environnement. Et pour différentes raisons, il me recrute en tant que commercial et je viens m’installer à Laval… Après avoir négocié plusieurs contrats de gestion de déchets avec des grands groupes industriels, je me rends compte que les clients ne disposaient pas de systèmes d’information en interne pour gérer leurs déchets et suivre les réglementations environnementales qui s’appliquaient à eux… Je propose à Joël de créer une plateforme en ligne pour développer ce type des services mais il me dit, à juste titre, que ce n’est pas dans son business model. J’ai démissionné le 31 décembre 1999 pour préparer ce qui allait devenir Tennaxia, et je suis parti en très bon terme avec le groupe Séché le 30 juin.

 

En 2001, vous créez la société Tennaxia, fruit d’un constat et d’une rencontre avec Maxime Delorme votre associé et cofondateur ?

En parallèle entre fin 1999 et 2000, j’avais rencontré Maxime Delorme encore étudiant à qui j’avais expliqué mon projet. Il avait envie de travailler avec moi sur le projet, et pouvait apporter ses compétences informatiques, très largement supérieures aux miennes. Il était passionné, et donc on a décidé de créer la société ensemble en avril 2001 !

Notre projet est né du constat de l’absence d’outils en interne des entreprises sur la gestion de déchets et le suivi de l’évolution de la réglementation applicable en matière d’environnement. Mon expérience m’avait permis de connaître les rouages de la prospection commerciale et d’être en mesure d’identifier les fonctionnalités de la plateforme qu’il restait à développer. Maxime a transformé ces idées en vraies spécifications, en me challengeant aussi en permanence, avant de développer les premières versions à proposer aux entreprises …

Nous avions peu de concurrents à l’époque, et la société a été structurée autour de nos complémentarités respectives.

 

Quelles ont été les différentes étapes du développement de Tennaxia et les partenaires financiers qui vous ont soutenus dans votre croissance ?

Dès novembre 2001, nous avons eu le soutien de Business Angels (dont Séché Environnement) à hauteur d’une aide de 177 000 euros. Il nous fallait recruter divers profils… Déjà sur l’expertise métier, avec notre première consultante en CDI sur Lyon. Et aussi en renfort pour la plateforme grâce à quelques développeurs. Ces investisseurs ont eu le courage d’investir sur une feuille blanche, des plans et un bout de prototype fait par Maxime… Nous leur sommes vraiment très reconnaissants.

Dans la première phase de développement, il faut trouver son marché avec une prospection commerciale dont la première commande est toujours suggérée pour les autres par les prospects… Nos premiers contrats datent de 2001 lors du salon Pollutec : des offres d’essais se sont transformées en clients effectifs. Et la plateforme est alors opérationnelle sur l’aspect outil de gestion des déchets. J’ai appris d’ailleurs qu’identifier les personnes intéressées et approfondir le sujet avec elles était plus productif que de chercher à convaincre.

Et Tennaxia se développe bien, un jeune fonds d’investissement propose de nous aider à hauteur de 300 000 euros. En 2007, notre chiffre d’affaires est doublé en un an, il est de 1,7 million d’euros… Le marché s’accélère, et on décide de doubler les effectifs entre décembre 2007 et juin 2008. La crise des subprimes en 2008 est une catastrophe pour notre croissance, elle nous contraint au licenciement de la moitié des collaborateurs que nous venons de recruter ! L’entrée au capital d’Arkéa Capital en 2008 a été cruciale pendant cette période très instable ! Et la même année dans le cadre de l’Institut du Mentorat, je rencontre Bernard Bourigeaud le fondateur d’Atos qui en a fait en seize ans un groupe de 50 000 personnes. Cet homme très humain et simple a été mon mentor pendant dix-huit mois, puis il m’a accompagné pendant quinze ans, en tant qu’ami, actionnaire puis Président du conseil de surveillance de Tennaxia. Il m’a aidé véritablement, de par ses connaissances du monde de la tech et des investisseurs, à une transition vers ce monde-là… Ce mentor incroyable avait une sagesse fantastique, il éclaircissait les problèmes sans jamais m’influencer dans mes prises de décisions.

Notre société poursuit son développement… La vraie offre RSE de Tennaxia un peu « industrielle » date de 2012 avec le rachat d’un petit cabinet de conseil RSE fondé par Bertrand Desmier et expert de la RSE, même si la pose de nos premières briques RSE date de 2007. Nous avons construit cette offre avec lui en affinant le produit et les services qui l’accompagnaient. Tennaxia compte alors une quarantaine de talents.

En 2020, le fonds Omnes entre dans le capital accompagné par Bpifrance. Et tout s’accélère à partir de cette période comme la réglementation française et européenne. En 2022, de nombreux fonds d’investissement surtout américains commencent à s’intéresser à ce sujet et nous sollicitent. Je comprends que le marché change vite et que ces investisseurs veulent donner des moyens importants aux acteurs de ce marché pour accélérer leur développement. Face à cette ébullition, Maxime, Bernard et moi-même, en concluons qu’il nous fallait avoir un capital solide pour pouvoir participer à la consolidation future du marché et envisager des acquisitions… D’où l’idée de faire une opération majoritaire pour changer à la fois la vie de Tennaxia et la nôtre aussi ! En parallèle, j’étais approché par le fonds américain Marlin Equity Partners, parfaitement informé et extrêmement professionnel.

Nous avons conclu positivement notre opération en mars 2023 avec ce fonds qui est une société d’investissement mondial dans les logiciels et la technologie. La BPI a accru significativement sa participation…

En mai 2024 nous faisons l’acquisition de Traace, une plateforme spécialisée sur le sujet du carbone. En juin 2024 nous recrutons un CEO et je deviens Président du conseil de surveillance pour travailler sur la dimension stratégique du développement.

 

Aujourd’hui Tennaxia conçoit et propose des solutions innovantes d’aide aux entreprises et aux investisseurs pour le pilotage de leur performance durable ?

Notre raison d’être est de concevoir, de développer et de mettre en œuvre des solutions pour la performance durable des entreprises et des investisseurs. J’aime beaucoup les trois mots : concevoir, développer et mettre en œuvre !

Déjà concevoir (c’est-à-dire partir d’une feuille blanche), est dans notre ADN : les solutions de demain ! Ensuite développer en interne pour bien maîtriser notre offre. Et enfin, mettre en œuvre en accompagnant le client pour une valeur ajoutée maximale et une garantie de succès de son projet.

Tennaxia a deux approches vis-à-vis des entreprises clientes.

  • Sur la partie HSE, les outils proposés sont très opérationnels sur les questions de déchets, de conformité réglementaire et de gestion des risques. Nous allons dans le détail, usine par usine, voire installation par installation.
  • Pour ce qui concerne notre autre pilier RSE, notre proposition est basée sur des fonctions de pilotage stratégique permettant à l’entreprise de connaître et de maîtriser des indicateurs que sont les KPI RSE. Ces données fiables, analysées et consolidées, permettent de répondre à l’exigence de leur publication par les réglementations européennes. Récemment, l’intégration de Traace apporte une vraie valeur ajoutée à notre société, celle du volet carbone avec la capacité pour les entreprises de se doter d’un plan de transition carbone. Et la CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive), adoptée en novembre 2022 par l’Union européenne, va progressivement imposer à près de 50 000 entreprises la publication d’un reporting de durabilité…

Depuis 4 ans, nous proposons une offre de reporting ESG aux investisseurs eux-mêmes. Nous leur permettons de collecter et de fiabiliser les informations ESG utiles concernant leurs participations de manière à les aider à piloter leur performance extra-financière et à en rendre compte à leurs LPs ou aux autorités de marché.

 

Quel est votre modèle économique, notamment à destination des clients de type investisseurs ?

Le mode de souscription annuel est en fonction du nombre de modules choisis parmi les 5 proposés par Tennaxia. Des experts différents sont affiliés suivant leurs expertises aux pôles HSE ou RSE.

Pour la clientèle des investisseurs, nous proposons un outil de reporting ESG et ce nouvel outil de transition carbone.

Nos services s’adressent principalement aux investisseurs de type Private Equity, Venture Capital, Dette privée

Du fait des enjeux liés à la réglementation européenne et notamment de la SFDR (Sustainable Finance Disclosure Regulation), la plateforme SaaS ESG/RSE a été déclinée spécifiquement pour les fonds d’investissement. Elle leur permet de collecter les informations RSE des entreprises de leurs portefeuilles afin d’agir auprès d’elles si besoin, et aussi de faciliter leurs recherches de fonds auprès d’institutionnels (en répondant à leurs attentes en matière de politique ESG) compte tenu de leurs obligations de reporting ESG. Les investisseurs peuvent ensuite benchmarker leurs participations en comparant les KPI de leurs sociétés, via des statistiques disponibles, à l’ensemble des plus de 4 500 entreprises industrielles gérées sur la plateforme Tennaxia. Nous leur apportons de la valeur donc de la qualité sur leurs participations.

Tennaxia, aujourd’hui, est structurée autour de plus de 160 collaborateurs et réalise cette année près de 20 millions de revenus avec 1 000 clients majoritairement français présents sur 100 pays. La dynamique la plus forte est sur notre offre RSE/ESG, et l’on peut citer parmi nos clients les investisseurs Mirova, GBL Sienna, Extens, la BPI, etc.

 

Tennaxia, grâce à sa valeur métier à forte valeur ajoutée, accompagne aussi ses clients dans leur transformation…

Notre motivation est toujours passée par la réussite du projet de transformation de nos clients grâce à notre proposition de services avec cette valeur ajoutée de l’accompagnement ! Et la répartition de nos revenus est probante : 70 % proviennent de nos logiciels et 30 % de l’accompagnement délivré et plébiscité par nos clients.

 

Pouvez-vous revenir sur l’engagement durable et responsable de Tennaxia ?

Notre politique RSE est partagée en interne et nous la mettons à jour régulièrement. Bertrand pilote cette année la réalisation de notre une analyse de double matérialité pour compléter le travail fait précédemment. Tennaxia est socialement engagée sur l’inclusion en général et l’égalité homme-femme salariale avec un ancrage prioritaire sur la formation de nos collaborateurs et intéressés au capital depuis près de 10 ans. Notre politique de télétravail fonctionne très bien. La diversité de nos talents offre la richesse de notre proposition. Les bureaux de Laval sont à basse consommation, et notre bilan carbone est effectué chaque année. Nous avons mis en place un code d’éthique : l’usage non explicitement autorisé des données est exclu et les contenus de nos publications doivent correspondre à notre philosophie. Sur la sécurité, nous disposons des meilleurs dispositifs internes challengés par nos clients.

Notre logo à travers un ours symbolise une problématique environnementale, et d’autre part un animal attachant, gentil, puissant qui véhicule de l’émotion positive.

 

Votre ambition est européenne et à l’international, quelle est votre vision sur les cinq ans à venir ?

Dans les quatre ans, nous voulons réaliser 50 millions d’euros de CA dont 20 % à l’international à partir de 2025, cela passera aussi par des acquisitions.

 

Pour en savoir plus sur Tennaxia : https://www.tennaxia.com/

Source : Propos recueillis par Marie Cornet-Ashby pour Finance Innovation

 

Bernard Fort

Co-fondateur et Président du conseil de surveillance

Tennaxia