Interview Canelle de Balasy : livre blanc “Femmes & Web3”

Découvrez l'interview de Canelle de Balasy, Creative Team Lead de Coinhouse

Propos recueillis par Richard Lecocq 

 

Historiquement, elles sont décrites comme “invisibles” dans le monde de la finance et de la tech. L’avènement du Web3 et le développement des investissements crypto permettront-il aux femmes de s’imposer et de changer les mentalités ? Canelle de Balasy (Creative Team Lead chez Coinhouse) nous présente le livre blanc très riche consacré à la place des femmes dans le Web3 : laissez entrez les expertes ! 

 

Comment est née l’idée de ce livre blanc ?

Nous avons tout d’abord réalisé que seuls 10% de nos utilisateurs étaient des utilisatrices. En essayant de comprendre ce phénomène, nous avons peu à peu découvert que les raisons étaient nombreuses, et souvent, elles n’avaient pas de rapport direct avec Coinhouse mais avec une réalité de société : les femmes se sentent moins pertinentes dans l’investissement, elles investissent moins en volume. Nous avons aussi souhaité interroger des femmes investisseuses, et très vite nous est apparu le fait qu’il y avait beaucoup moins d’influenceuses crypto, ou bien que les femmes ne se sentaient pas légitimes à prendre la parole en tant qu’“expertes”. D’un constat autour de notre clientèle, nous sommes passés à l’établissement d’un constat général, que nous avons souhaité étendre simplement autour de l’investissement crypto, jusqu’au Web3 et à l’investissement classique. Nous avons eu la chance de discuter avec des conseillers en gestion de patrimoine, des banques privées, qui nous ont confirmé ce que nous étions en train d’observer : les femmes sont bien présentes dans l’investissement, parfois équitablement, pourtant elles sont invisibles. Il était donc nécessaire de ne pas se contenter de chercher un “quick win” mais de traiter le sujet dans son intégralité : en cherchant à établir un constat objectif, puis en cherchant les raisons de ce constat, et enfin en établissant des éléments de réponse et de solution. 

Au final, Femmes & Web3 n’est pas qu’un livre blanc, il s’agit d’une initiative globale qui cherche à solutionner certains des aspects décrits dans le livre blanc : pour remédier à l’invisibilisation des femmes, nous nous sommes engagés dans un cycle de communications qui met en avant les investisseuses crypto et les femmes qui font le Web3 ; pour former les femmes au web3, nous mettons en avant les communautés qui les accompagnent ; et enfin, pour leur tendre la main et leur assurer qu’elles sont légitimes et attendues dans l’investissement, nous leur offrons 3 mois gratuits de notre future offre Investisseur via cette page.

 

Vous rappelez que, historiquement, la finance et la tech sont dominés par les hommes. Pensez-vous que le Web3 va permettre de rendre les femmes plus visibles, ou d’atténuer l’invisibilité qu’elles connaissent encore à l’heure actuelle ?

Il est inquiétant de constater que le Web3 est un secteur très jeune, et pourtant il reproduit déjà les travers des secteurs de la technologie et de la finance. Si 60% des équipes dans la Finance sont composées de femmes, elles ne sont plus qu’une poignée dans les postes exécutifs. De même, le Web3 est composé de manière relativement équitable par des hommes et des femmes, mais les fondatrices de projets Web3 ne représentent que 13% des créateurs d’entreprise ; lorsqu’on regarde les équipes intégralement féminines, elles ne représentent que 3% des entreprises du Web3. 

Pour que ce constat ne soit pas une fatalité, il est impératif d’agir dès aujourd’hui. Nous avons la chance d’avoir encore un secteur suffisamment jeune, un système médiatique suffisamment engagé, pour changer la balance. Mais surtout, on remarque que la crypto, le pendant financer du Web3, est un univers particulièrement plébiscité par les femmes. La crypto a l’avantage d’être une forme d’investissement décentralisée, accessible, compréhensible et relativement privée. On remarque non seulement que les femmes y investissent beaucoup plus que dans d’autres formes d’investissement, mais aussi qu’elles déclarent plus de plus-values que les hommes. C’est pourquoi je suis intimement persuadée que l’investissement crypto peut permettre l’épanouissement des femmes dans l’investissement en général et être le cheval de troie permettant d’apporter plus de visibilité aux femmes dans le Web3.

 

Les femmes occupent de plus en plus de postes à responsabilités et peuvent en toute logique investir de façon plus conséquente dans des produits financiers ou dans les cryptos par exemple. Pourquoi selon vous cette évolution ne se reflète pas dans le Web3 ?

Les femmes peuvent investir leur propre argent, mais la réalité du marché, c’est qu’elles le font très peu. D’abord, on remarque dans la finance traditionnelle que beaucoup de femmes vont investir via l’intermédiaire de leur époux ou d’un membre de leur famille, et ne seront pas gestionnaires de leur propre argent. C’est sans doute dû au fait que l’indépendance financière des femmes date de 1965, c’est-à-dire moins d’une génération. Il y a une très grande tradition historique qui ne pousse pas les femmes à se former sur l’investissement ou à s’y sentir légitime. L’investissement dans la crypto fait bouger ces lignes : 45% des investisseurs crypto sont des investisseuses. Mais, tout d’abord, nombre d’entre elles investissent moins en volume que les hommes ; ensuite, elles sont beaucoup moins visibles et vocales que les hommes sur ces sujets. On en revient à la question de la représentation et de la place que l’on laisse aux femmes. Le Web3 appartient autant aux femmes qu’aux hommes, mais on ne les voit pas. 

 

Dans le livre blanc, on découvre que l’engagement des femmes dans les NFTs est différent de celui des hommes : par exemple, dans le domaine de l’art numérique, les collections NFTs portées par des femmes ont une valeur ajoutée plus forte, racontent une histoire plus proches de leurs vécus. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Je ne pense pas qu’il s’agisse d’une coïncidence si les femmes portent des sujets plus engagés, à valeur ajoutée plus forte. Cela peut être dû à deux phénomènes. Le premier, c’est qu’il est plus difficile pour les femmes de trouver des financements pour leurs projets. Ces derniers doivent donc avoir une valeur ajoutée plus forte, un impact bien plus important, pour obtenir des financements. La seconde raison se joue sans doute d’une manière beaucoup plus sociale : la parole des femmes est très souvent remise en question, leur légitimité sur des sujets de politique, de société, est rarement admise. Les femmes peuvent donc prendre l’habitude de parler d’elles-mêmes, le seul endroit où l’on ne viendra pas challenger leur pertinence, et d’utiliser ce point d’entrée pour adresser des phénomènes exogènes tels que la politique sociale.

 

Vous avez aussi créé un « guide de l’investisseuse », qui, pour une fois, inverse les rôles entre les hommes et les femmes. Pouvez-vous nous présenter ce projet ?

Nous souhaitions créer un support pour accompagner les femmes dans l’investissement crypto, mais nous avons vite réalisé que nous n’avions pas besoin de parler différemment aux femmes qu’aux hommes d’investissement. Par contre, nous pouvions les adresser directement. Nous avions d’ores et déjà créé le “Guide de l’Investisseur Crypto” et avons pris le parti de laisser, pour une fois, le féminin l’emporter sur le masculin. Nous n’y parlons donc plus d’investisseurs ou de clients professionnels, d’experts blockchains ou de conseillers, mais d’investisseuses, de clientes professionnelles, d’expertes blockchain et de conseillères spécialisées. 

 

Pour conclure, est-ce que les collectifs féminins dans le monde du Web3 va permettre de donner aux femmes une parole à ce jour pas assez audible, en évitant de s’opposer aux hommes : est-ce que le Web3 peut être un vecteur de parité ?

Le Web3 est un lieu de communautés et donc forcément un lieu où de nombreuses opinions se dessinent. Il ne peut pas être décrit comme un lieu cherchant à porter un seul objectif. Par contre, il est vecteur de nombreuses initiatives autour des causes des femmes. On notera tout d’abord les communautés visant à mettre les femmes en relation ou à promouvoir l’éducation des femmes dans des secteurs tels que la tech ou l’investissement ; des projets adossés à la blockchain visant à combattre les violences faites aux femmes ; enfin, l’objectif fondateur de la crypto est de donner accès à la bancarisation et à l’investissement à tous, y compris aux femmes qui sont encore les moins bancarisées sur la planète. Si l’égalité de moyens mène à l’égalité de fait, alors la crypto peut devenir vectrice d’égalité et de parité. 

 

 

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