L’arrivée de MiCA démontre que l'UE a la volonté de continuer à être proactive dans la réglementation des secteurs innovants

On vous propose de découvrir notre dossier éditorial avec les regards portés par différents acteurs directement concernés et impactés par l’arrivée de MiCA.

L’entrée en vigueur de MiCA (Markets in Crypto-Assets), nouveau règlement sur les marchés des crypto-actifs, marque une étape cruciale dans la régulation des actifs numériques au sein de l’Union européenne. En partie inspiré de la loi PACTE du 22 mai 2019, MiCA a été conçu pour offrir un cadre juridique harmonisé et vise tout en continuant de favoriser l’innovation dans le secteur des crypto-monnaies. Il a aussi pour ambition de protéger les investisseurs. 

Finance Innovation vous propose de découvrir les regards portés par différents acteurs directement concernés et impactés par l’arrivée de MiCA. À partir de cas réels et d’histoires qui embarquent des équipes et des structures qui soutiennent activement l’innovation, notre dossier éditorial explore différentes pistes pour livrer une analyse sans filtre et inédite de cette nouvelle réglementation.

Sofia El Mrabet est spécialiste Fintech et avocate au sein du cabinet Pledge, dédié au droit des marchés et des services financiers. Installé en France, en Belgique et au Luxembourg, Pledge accompagne de nombreuses entreprises françaises et étrangères dans des opérations et missions complexes. Sofia commente l’arrivée de MiCA et comment elle entend accompagner ses clients pour obtenir cet agrément.

 

L’arrivée de MiCA apporte un nouveau cadre de réglementation avec la montée en puissance des crypto-actifs. Est-ce que la tradition européenne de réguler et encadrer a encore de beaux jours devant elle ?

L’approche proactive de l’Union Européenne (« UE ») en matière de réglementation lui a permis de jouer un rôle de pionnier dans de nombreux domaines. L’exemple du règlement général sur la protection des données(1) illustre parfaitement cette approche, puisqu’il est désormais reconnu comme une référence mondiale. 

La vision européenne cherche à concilier deux objectifs essentiels : protéger les consommateurs tout en encourageant l’innovation. C’est d’ailleurs dans le manifeste des dernières avancées réglementaires.(2)

Cependant, dans le secteur des crypto-actifs, cette approche peut se révéler complexe, car de nombreuses entreprises n’ont pas encore trouvé de modèle économique viable ni atteint le market fit (terme anglais qui signifie l’adéquation produit/marché). Dans ce contexte, une réglementation trop hâtive, trop rigide ou trop contraignante risquerait de freiner l’innovation.

Il est important de rappeler que la réglementation, notamment dans les secteurs innovants, répond également à des enjeux politiques. L’UE cherche à protéger son marché intérieur et ses citoyens tout en offrant aux entreprises européennes des conditions de concurrence équitables. Cette approche vise aussi à stimuler l’investissement en Europe. La tradition européenne quant à la réglementation permet ainsi à l’UE de définir ses propres règles du jeu sur son territoire.

Au regard des dernières discussions parlementaires sur le secteur du numérique et de manière générale de l’innovation, il semblerait que l’UE ait la volonté de continuer à être proactive dans la réglementation des secteurs innovants.

 

Comment accompagnez-vous les entreprises, notamment les PSAN dans le processus de transition prévu jusqu’à juin 2026, le temps que MiCA s’installe (avec le passage du statut PSAN à celui de PSCA) ?

Le passage du statut de Prestataire de Services sur Actifs Numériques (« PSAN ») à celui de Prestataire de Services de Conseil en Investissements (« PSCA ») implique une série d’adaptations et de mise en conformité des procédures internes.

Notre accompagnement débute par une phase d’analyse et de cadrage permettant d’identifier les écarts réglementaires entre le statut de PSAN et celui de PSCA sous le règlement européen sur les marchés de crypto-actifs(3) (« MiCA »). Cette étape permet également de déterminer les modifications nécessaires du modèle opérationnel et, le cas échéant, de l’offre de services.

Une fois cette étape de cadrage terminée, nous élaborons un plan de conformité et d’évolution pour le PSAN souhaitant devenir PSCA. Ces échanges sont essentiels pour définir clairement le périmètre de notre intervention et nous permettent de structurer la suite du processus.

Avant de commencer la rédaction du dossier, nous prenons contact avec le régulateur pour lui présenter brièvement l’évolution de l’activité et les ajustements réglementaires envisagés pour la mise à niveau du PSAN. Cette prise de contact nous aide à avoir une vision claire des attentes du régulateur, afin d’adapter le programme d’activité et/ou les procédures de l’entreprise en conséquence.

Nous assistons également nos clients dans la rédaction des documents nécessaires au dépôt du dossier, ainsi que dans la formation des équipes internes. La transition vers le statut de PSCA implique un renforcement des compétences internes sur certains sujets spécifiques, ainsi qu’une mise à jour des processus de gouvernance et de contrôle interne.

Une fois le dossier déposé, nous continuons à accompagner nos clients tout au long de l’instruction par le régulateur. Nous assistons nos clients dans leurs échanges avec ce dernier et leur apportons toute l’aide nécessaire jusqu’à l’obtention de l’agrément.

 

Est-ce que, selon vous, MiCA va assainir le monde des crypto-actifs, ou en tout cas rassurer et rendre son image plus positive auprès du consommateur ?

Le règlement MiCA présente l’avantage de définir un cadre réglementaire clair, ce qui permet aux acteurs du marché de comprendre précisément les règles qui s’appliquent et rassure ainsi les consommateurs. Ce cadre est d’autant plus crucial à la lumière des récentes sanctions infligées par la Securities Exchange Commission (Organisme fédéral américain de réglementation et de contrôle des marchés financiers) aux différents acteurs du marché des crypto-actifs. Dans ce contexte, l’absence d’une réglementation claire qualifiant les services sur crypto-actifs et les sanctions qui s’en sont suivies ont contribué à la diminution de la confiance des investisseurs et a poussé certaines entreprises à quitter le marché américain. 

Dans cette optique, l’Union européenne se distingue encore une fois par son approche novatrice en matière de réglementation. Par ailleurs, le système de passeport européen permet aux entreprises d’accéder à l’ensemble du marché européen, créant ainsi des opportunités pour l’émergence de leaders européens dans ce secteur.

Cependant, il est possible de critiquer MiCA pour sa tendance à réglementer trop tôt et de manière disproportionnée. Comme il a été énoncé précédemment, de nombreux services liés aux crypto-actifs n’ont pas encore trouvé un modèle d’affaires viable et demeurent à un stade de développement relativement immature.

La rigidité de cette réglementation pourrait avoir un effet contre-productif, en freinant l’innovation et en créant des barrières à l’entrée pour les nouveaux acteurs. Cela est particulièrement visible sur le marché des stablecoins. Les exigences réglementaires strictes limitent le nombre d’acteurs capables de s’y conformer et risquent de centraliser ce marché autour d’institutions bien établies ou de grands acteurs étrangers disposant des ressources importantes.

Pour ce qui est de l’image du secteur, il est indéniable que les obligations imposées par MiCA et l’obtention d’un agrément permettent de rassurer le consommateur et tend à assainir le marché européen. 

 

Pouvez-vous nous décrire les principales étapes d’une procédure d’octroi d’agrément en qualité de PSCA par l’AMF ?

Il faut distinguer 3 types de procédures en fonction du statut de l’entreprise qui souhaite obtenir un agrément PSCA.

Une procédure de « notification » est ouverte aux entités financières comme les établissements de crédit. Ces entités sont mentionnées à l’article 60 du règlement MiCA. Elles devront déposer un dossier auprès de leur autorité de supervision(4).

Les entités PSAN qui disposent d’un agrément ou d’un enregistrement renforcé bénéficient d’une procédure « simplifiée » qui leur permet de reprendre des éléments préalablement transmis à l’Autorité des Marchés Financiers (« AMF ») dans le cadre de leur demande d’agrément ou d’enregistrement. 

Enfin, les entités n’entrant dans aucune des deux options susmentionnées doivent passer par la procédure « normale » expliquée ci-dessous. 

La procédure d’octroi d’agrément « normale » est scindée en 4 étapes :

  • Le dépôt d’un dossier de demande d’agrément auprès de l’AMF ;
  • L’AMF accuse réception du dépôt du dossier dans un délai de cinq jours à compter du dépôt ;
  • Le début de l’instruction de la demande d’agrément par l’AMF : qui réalise un examen de la complétude du dossier dans un délai de 25 jours ouvrés à compter du dépôt du dossier. Durant cet examen, l’AMF peut formuler des demandes d’informations ou de documents manquants ;
  • Si le dossier de demande d’agrément est considéré comme étant complet, l’AMF poursuit alors son instruction et décide d’octroyer, ou non, l’agrément de PSCA dans un délai de 40 jours ouvrés à compter du dépôt de la demande d’agrément. 

Au regard des délais soutenus de la procédure d’agrément, l’AMF a mis en place, depuis le 1er juillet 2024 un guichet de pré-instruction ouvrant la possibilité de déposer une demande d’agrément ou de notification. La pré-instruction ne remplace pas l’examen formel et les délais ne commenceront à courir qu’à partir du 30 décembre 2024.

Rappelons également que les PSAN enregistrés (simples ou renforcés) ou agréés en France ou fournissant les services mentionnés au 5° de l’article L. 54-10-2 avant le 30 décembre 2024 pourront continuer de fournir lesdits services en France jusqu’au 30 juin 2026.

 

1.Règlement UE 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données
2.Bâtir l’avenir numérique de l’Europe, site de la Commission européenne
3.Règlement (UE) 2023/1114 du parlement européen et du conseil du 31 mai 2023 sur les marchés de crypto-actifs
4.A savoir l’Autorité de contrôle prudentiel et de supervision ou l’Autorité des Marchés Financiers

Sofia El Mrabet

Spécialiste Fintech et avocate

Pledge Avocats

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