Les plateformes de réservation en ligne seront-elles ubérisées par la blockchain ?, par Thibault Verbiest, Avocat associé DS Avocats

Internet a-t-il tenu ses promesses d’un monde décentralisé où vendeurs et acheteurs peuvent interagir sans dépendre d’intermédiaires?

Depuis presque 15 ans, la réalité est très différente, avec l’émergence et désormais la domination mondiale de grandes plateformes, notamment en matière de réservation de nuits d’hôtels.

La vente de nuitées sur internet a connu un essor remarquable au cours de la dernière décennie. Aujourd’hui, la quasi-totalité de la clientèle hôtelière utilise internet pour rechercher un hôtel et utilise les services des plateformes de réservation hôtelière, pour comparer les prix notamment.

Dans un premier temps, cette évolution a eu des effets positifs : les plateformes de réservation ont offert aux consommateurs des services de recherche et de comparaison performants, ont renforcé la concurrence entre les hôtels et ont permis à ces derniers d’être visibles dans le monde entier, en s’affranchissant des guides touristiques et des agences de voyages traditionnelles.

La suprématie des plateformes de réservation

Les hôteliers assistent à une montée en puissance quasi duopolistique de Booking.com et d’Expedia (Hotels.com). Il est fréquent qu’un hôtelier lambda réalise plus de 50% de son chiffre d’affaires via ces intermédiaires, qui prélèvent entre 17 et 25%  de commission sur chaque réservation.

Pour capter les internautes, les plateformes de réservation paient chaque année des milliards en mots clés (adwords) à Google. Ces mots clés sont des enseignes et des marques d’établissements. Ainsi quand l’internaute fait une recherche sur le nom d’un hôtel ou d’une destination, ce sont les sites de ces plateformes de réservation qui apparaissent en premier.

Résultats des courses : les consommateurs n’ont pratiquement plus de contacts directs avec les hôteliers, lesquels sont obligés de payer leur (lourd) tribut aux plateformes…

 Les clauses de parité

Pour asseoir davantage leur domination, certaines plateformes de réservation en ligne imposaient jusqu’il y a peu  des clauses dites de « parité » dans les contrats conclus avec les hôtels qui restreignaient la liberté commerciale et tarifaire de ces derniers, notamment en leur interdisant de pratiquer des prix de nuitées plus bas que ceux affichés sur les sites des plateformes.

À la suite d’investigations menées par la Commission européenne et  plusieurs autorités nationales de concurrence en 2016 et 2017, les plateformes concernées ont modifié leur clauses. Certains Etats (comme l’Allemagne ou l’Autriche) ont même légiféré en interdisant purement et simplement cette pratique.

Depuis lors, la Commission européenne et les autorités nationales de concurrence ont décidé d’une orientation commune et coordonnée consistant à maintenir ce secteur sous surveillance.

La loyauté des plateformes

Ces deux dernières années, il a beaucoup été question de loyauté et de transparence des plateformes (de réservation, mais aussi les autres comparateurs, les places de marché en ligne et les moteurs de recherche). La Commission européenne a lancé un chantier législatif et ouvert des procédures contre certaines plateformes. Certains pays ont également commencé à légiférer, comme la France en obligeant notamment (depuis le 1er janvier 2018) les plateformes à préciser les critères de référencement et de classement qu’elles utilisent.

La prochaine étape : la décentralisation et la blockchain

La situation actuelle, où un intermédiaire non seulement touche des commissions exorbitantes mais en plus affaiblit et met en péril ses propres clients, est le terreau idéal pour la blockchain., si celle-ci permet de proposer les mêmes services centralisés à moindres coûts, voire en récompensant les hôteliers.

Des projets voient déjà le jour. Parmi ceux-ci, citons le protocole BTU (Booking Token Unit)  qui propose un système de réservation normalisée par blockchain pour n’importe quelle application décentralisée (dApp)  ou site Web.

Les réservations se font via la blockchain par un protocole open source, ce qui baisse considérablement les barrières à l’entrée. Un token (jeton cryptographique qui sert de « monnaie » au sein de système) est utilisé pour inciter les participants à se comporter rationnellement selon des intérêts économiques alignés. Ainsi, un booker  aura intérêt à annuler sa réservation à temps afin de ne pas perdre le dépôt de garantie qu’il a dû faire en « tokens ». A l’inverse, il gagnera des nouveaux jetons  pour chaque réservation qu’il aura finalisée.

L’hôtelier sera aussi récompensé par le booker qui pourra partager avec lui ses tokens afin de le fidéliser, créant ainsi un cercle vertueux au lieu d’une servitude malsaine.

Le protocole BTU n’est pas limité au secteur de l’hôtellerie et  apporte aussi de l’interopérabilité entre les applications qui l’incorporent, ce qui peut faciliter des ventes-croisées réciproques entre industries différentes (sites de réservation de bureaux, de voitures, de restaurants etc.)

http://www.btu-protocol.com/