Portrait du Mois Février 2023

Retrouvez Aissata Naba Coulibaly, Fondatrice et CEO et Kamna Diane Aka, Associée de Affacto

Le Portrait du mois par FINANCE INNOVATION

Propos recueillis par Marie Cornet-Ashby 

 

Vous êtes native de Bamako au Mali, et vous avez découvert très tôt l’univers de l’entrepreneuriat en France ?

Aissata Naba Coulibaly : Je suis issue d’une famille de commerçants, et l’import-export a toujours fait partie de ma vie !

À ma sortie de l’ESSEC Business School, j’accompagnais les importateurs africains (non-résidents en France) dans leurs processus d’ouvertures de comptes et de recherches de fournisseurs. Ce soutien se révélait être indispensable, car la grande majorité d’entre eux ne maîtrisait pas la langue française ainsi que le code du commerce en vigueur dans ce pays. Je les aidais également au niveau de la gestion de la commercialisation de certains de leurs produits, et en fournissant à certains des cotations. C’est ainsi que j’ai construit mon réseau dans le domaine de l’import-export ! Un domaine dont j’ai particulièrement aimé le dynamisme du fait entre autres des nombreux voyages qu’il impliquait !

Certes, il fallait régler de nombreuses choses… En effet dans l’exercice de mes fonctions, j’étais essentiellement confrontée à deux grandes problématiques : payer le fournisseur à temps et faire le virement depuis le continent africain. Certaines fois, le fournisseur lassé d’attendre son règlement, me proposait une commission si je parvenais à réduire les délais de paiement.

Suivant cette expérience, l’une des solutions qui m’est apparue comme une évidence, a été la mise en place d’une structure de financement en Afrique permettant d’effectuer les virements dans un délai intéressant pour les parties, cela indépendamment des circonstances.

Puis est survenue l’épidémie de Covid-19, et avec pour conséquence la fermeture des frontières imposant un arrêt au commerce international…

 

Pouvez-vous revenir sur votre cheminement personnel et professionnel quant à la création votre Fintech ?

Aissata Naba Coulibaly : Ce contexte m’a donné l’envie de créer une structure comportant deux entités : l’une centrale en France offrant des garanties de paiement aux fournisseurs et l’autre en Afrique stockant les fonds, en attendant l’ouverture des frontières. Et afin de poursuivre le commerce international entre ces deux continents.

Je me suis focalisée sur cette idée, puis j’ai décidé de devenir intermédiaire en opérations de banque et en services de paiement. Et, mon premier business model a été créé ! En 2020 ma détermination était telle, que j’ai repris des études pour obtenir un diplôme de Courtier afin de créer Affacto !

Et j’ai commencé à contacter des sociétés d’affacturage, en leur proposant de les mettre en relation avec des fournisseurs africains qu’elles financeraient, moyennant une commission. Cependant, pour des questions relatives à des garanties, elles m’ont indiqué qu’elles collaboraient uniquement avec des grands groupes. Je me suis alors tournée vers la BCEAO pour obtenir des réponses à mes questions. Par la suite, j’ai eu l’immense honneur au cours d’un événement, de rencontrer le Conseiller Spécial du Gouverneur de la BCEAO, et je lui ai pitché le projet ! Il a trouvé mon idée extraordinaire, et il l’a transférée en interne. Quelques semaines plus tard, nous avons rencontré 14 directions de la BCEAO, et par la suite elles nous ont transmis des conseils pour démarrer le projet. Le Gouverneur était déjà positionné sur le système de l’affacturage, comme la solution du financement des petites et moyennes entreprises (PME) et notamment en Afrique.

En 2020, une loi était en train d’être votée sur l’affacturage dans le domaine du travail. Mon idée de projet se penchait alors davantage sur la création d’un fonds regroupant des partenaires en financement. Cependant en Afrique, la réglementation propre à cela n’existait pas. C’était la véritable difficulté…

 

Puis vous faites la rencontre déterminante de Diane Aka qui va devenir votre associée au sein d’Affacto ?

Aissata Naba Coulibaly : Affacto a véritablement affecté ma vie. Aujourd’hui, je suis le programme Challenge Plus d’HEC Paris débuté en 2022. Étant naturellement d’un caractère ardent, j’ai accepté la patience requise pour un tel projet nécessitant de suivre une roadmap. Chaque étape compte, elle doit être mûrie…

Mon souhait était de développer mon idée en cohérence avec les lois de chaque pays. Et c’est à ce moment-là que ma partenaire Diane Aka, rencontrée par l’intermédiaire d’un ami, est intervenue au sein du projet Affacto. Je voulais travailler avec une professionnelle de grande qualité et aussi une personne intègre. Cela a été possible avec Diane, nous partageons une même vision et aussi des valeurs communes !

J’ai également lancé Affacto, grâce aux soutiens de certains partenaires. Affacto est une Fintech spécialisée dans le financement de la trésorerie des PME dans le domaine de l’import-export. Nous proposons une activité d’affacturage et de reverse factoring à travers une plateforme numérique, cela pour faciliter les transactions commerciales et financières entre l’Europe et l’Afrique, dont les 8 pays de L’Union Économique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA).

 

Diane, quelles sont les motivations essentielles qui vous ont conduite à rejoindre Aissata au sein d’Affacto ?

Kamna Diane Aka : La solution Affacto répond en grande partie au véritable besoin de trésorerie réelle d’un certain nombre d’acteurs de notre zone monétaire. Mon parcours académique est purement financier. Je suis diplômée de l’ESG à Paris, d’un Master 2 en Audit et Gestion financière (Titre de Manager in Financial Management de l’ESGF) et d’un MBA en Audit et Contrôle de gestion de l’ESG.

J’ai travaillé au sein d’un groupe panafricain SNEDAI évoluant sur plusieurs secteurs d’activité. J’y suis entrée comme auditrice puis j’ai évolué pour en devenir la Directrice Exécutive d’un secteur du Groupe. Par la suite, j’ai créé une banque d’affaires à Abidjan.

Au sein de cette banque d’affaires, nous conseillons nos clients sur des investissements obligataires et nous réalisons des levées de fonds pour la partie Corporate Finance. Cela signifie que nous collaborons avec des fonds d’investissement. Et c’est grâce à cet écosystème que j’ai rencontré Aissata ! J’ai été entièrement séduite par son projet, compte tenu du fait qu’à travers ma banque d’affaires, je cherchais des solutions de financement innovantes.

En Afrique, le financement se fait essentiellement par la dette ; je crois que cela n’est pas forcément adapté à nos entreprises. C’est pour cette raison que j’étais à la recherche de solutions nouvelles. Et j’essayais alors d’amener les promoteurs à se faire financer par de l’equity.

Lorsque j’ai rencontré Aissata, elle était déjà dans cet état d’esprit. Son idée était très précise, elle était déterminée à réaliser son projet. Et je me dis qu’il y avait une réelle complémentarité entre nous, et aussi un marché potentiel extrêmement important !

 

Comment se partagent vos compétences au sein de votre Fintech Affacto ?

Kamna Diane Aka : Aissata, est le CEO d’Affacto. Quant à moi, je n’interviens qu’en tant qu’investisseur et j’assume parfaitement ce partenariat. Tous nos échanges, nos complémentarités et nos problématiques communes ont rendu notre association enthousiasmante et naturellement évidente ! Aissata s’occupe de l’ensemble de l’opérationnel. Pour ce qui me concerne, je gère les partenariats financiers donc des discussions avec des fonds de dettes ou des banques commerciales qui sont nos partenaires dans le financement des factures.

Nous avons construit un modèle clair avec une méthode de démarrage et une vision à court, moyen et long terme. Sur le long terme, nous souhaitons créer notre propre établissement financier.

Nous possédons à notre actif de nombreuses réalisations ; Affacto propose une valeur de confiance essentielle dans le secteur bancaire !

 

Affacto propose une plateforme numérique d’aide au financement des PME/PMI dans le domaine de l’import-export ?

Aissata Naba Coulibaly : La plateforme a été construite avec une équipe de développeurs. Nous sommes partis du système « By now, Pay later » avec la Marketplace, cela par l’affacturage et le reverse factoring comme moyens de paiement ! Notre business model est doté d’un montage innovant grâce aux connaissances de Diane, ses investisseurs, sa banque d’affaires et un deuxième partenaire financier. D’ailleurs, des sociétés en surliquidité peuvent aussi financer les factures.

Nous collaborons avec des partenaires stratégiques, Diane est mon associée dans tous les pays. Ses bureaux ainsi que ceux de mon deuxième associé sont situés en Afrique.

J’ai conçu la plateforme dotée d’une Marketplace et la partie KYC. Un prestataire s’occupe de l’aspect risque de change quant à la gestion des comptes à l’international. La plateforme, dès la connexion, offre quatre espaces : fournisseur, client, administration, investisseur ou financeur.

Les investisseurs s’inscrivent avec des accès en fonction de différents critères, et nous connaissons l’origine des fonds. Les clients français ou africains nous transmettent toutes les pièces justificatives (les états financiers et civils à titre d’exemple) nécessaires à leurs entrées au sein de la plateforme. Quant aux fournisseurs, ils mettent les factures à financer sur la plateforme, et ils doivent nous donner leurs accords sur le mode de paiement que nous leur proposons comme l’affacturage. La Marketplace est un site marchand pour présenter des produits, demander une cotation voire un financement…

Affacto valide toutes les entrées sur notre plateforme. Et elle s’adapte aux KYC de nos partenaires grâce à son propre algorithme de scoring. Un abonnement mensuel ou annuel est nécessaire pour y accéder.

 

Le marché est-il porteur dans votre domaine d’activité ? Seriez-vous sensibles à des collaborations avec de nouveaux partenaires ?

Kamna Diane Aka : Le marché est très porteur, et les clients potentiels importants ! Ce constat est perceptible au regard d’un taux de croissance du Produit Intérieur Brut (PIB) dans l’Union Économique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA) estimé à 5,8 % en 2022 contre 6,1 % en 2021, cela malgré le ralentissement économique mondial du fait de la guerre en Ukraine et des conséquences de l’épidémie de Covid-19. Toujours suivant la note de conjoncture économique régionale dans l’UEMOA (publiée en décembre 2022), un taux de croissance de 7,2 % est attendu en 2023, sous l’hypothèse de la poursuite de la relance après la crise sanitaire et la fin rapide de la crise ukrainienne. En termes de compétitivité extérieure, il est important de noter que le taux de pénétration de l’Union est en constante amélioration. Par rapport au même trimestre de 2021, le taux de pénétration de l’Union a augmenté de 3,1 % au troisième trimestre de l’année 2022.

Aujourd’hui, nos pays sont dans une dynamique de digitalisation, de transformation et d’industrialisation. Cela contribue à développer l’import-export sur nos deux continents. Le marché est réel. Selon les estimations en août 2022 (sources Eurostat), les exportations de biens de la zone euro vers le reste du monde se sont élevées à 231,1 milliards d’euros en août 2022, soit une hausse de 24,0 % par rapport à août 2021. Les importations en provenance du reste du monde se sont établies à 282,1 milliards d’euros, soit une hausse de 53,6 % par rapport à août 2021.

Il y aura à l’avenir de plus en plus de besoins en financement de l’industrie, de matières, d’expertises, de compétences. Nos pays s’inscrivent dans cette voie-là.

Nous désirons devenir une alternative bénéfique pour les clients, et ouvrir le marché aux fournisseurs. Si notre plateforme permet de rendre les relations fluides et transparentes, de nombreux clients en France vont avoir confiance et contracter avec l’Afrique…

Pour ce qui concerne la question de nos fournisseurs, nous disposons de fonds de garantie et d’assureurs. Nous sommes dans un processus de gestion de leurs stocks en tiers détention. Donc une gestion des risques, et l’on a fait une cartographie de ces risques en amont du lancement de notre solution. Cela sans compter le travail d’institutions qui permet déjà de faire ces contrôles.

Lorsque je signe un partenariat avec un fonds, nous définissons une commission d’intermédiaire pour la collaboration apportée par Affacto.

Nous sommes ouverts à des partenaires, comme des fonds de dettes désireux de faire du Trade Finance et des banques commerciales, intéressés à financer ce type de factures. Il s’agit de court terme, les risques sont tout de suite identifiés. Nous sommes prêts aussi à des échanges dans le cadre de partenariats stratégiques, et nous sommes actuellement sur une levée de fonds pour développer notre activité.

Nos expériences respectives avec Aissata nous permettent d’offrir une véritable solution à une problématique sérieuse.

 

Quelles sont selon vous les valeurs ajoutées de la Fintech Affacto d’un point de vue économique ?

Kamna Diane Aka Nous pensons à notre petit niveau pouvoir participer à cette politique de bancarisation.

De nombreux secteurs informels existent en Afrique. Et des sociétés sur le continent africain, proposant des produits innovants sans ouverture à l’international, pourraient s’ouvrir à des marchés grâce à la Marketplace d’Affacto.

Nous cherchons à apporter des solutions réelles qui viennent accompagner des projets de développement européens et africains. La BCEAO aujourd’hui s’inscrit dans le challenge : industrialisation, transformation, bancarisation. Avec un schéma comme celui que propose Affacto, nous contribuons à cette optimisation ! 

 

Un projet de sens créé pour développer voire consolider des liens commerciaux entre l’Afrique et la France ?

Aissata Naba Coulibaly : Mon objectif est d’apporter une solution à travers la facilité, la fluidité, l’accessibilité, la rapidité, la confiance.

L’Afrique est mon continent. La France est mon pays d’adoption ainsi que celui de mes enfants depuis 20 ans.

Affacto apporte deux solutions. Pour les entreprises qui exportent vers l’Afrique, celle d’avoir de la visibilité sur leur paiement. Et en même temps, cela permet aux clients africains de pouvoir se développer car, si l’on gère leur trésorerie : cela représente une vraie valeur ajoutée pour eux.

Personnellement il s’agit aussi d’un projet de coeur, cela m’a permis de relier un continent et un pays tous deux frères, et qui va faciliter leurs liens commerciaux.

 

Pour en savoir plus sur Affacto ??https://www.linkedin.com/company/affacto/about/

Source : Propos recueillis par Marie Cornet-Ashby pour Finance Innovation

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