1. Investissement bas carbone – désinvestissement des énergies fossiles et le concept des « stranded assets »
Au cœur des débats de la COP 21 à Paris, le mouvement de désinvestissement des énergies fossiles, majoritairement du charbon, a marqué par son importance. Longtemps hors sujet des débats financiers, le concept de « stranded assets » gagne un intérêt progressif auprès des investisseurs et la reconnaissance qu’il s’agit d’un risque existant.
Alors que 2016 va marquer une concentration atmosphérique record de dioxyde de carbone, la chasse aux énergies les plus polluantes va se poursuivre. Comme annoncé, l’engagement vers une économie bas carbone a substantiellement modifié le paradigme de fonctionnement des secteurs les plus exposés comme le pétrole et le gaz ou les biens d’utilité publique. Ainsi, la part de l’énergie fossile dans la génération d’électricité baisse sensiblement même si elle est appelée à rester au-dessus des 50% d’ici 2030 selon l’Agence Internationale de l’Energie. En cas de réglementation plus stricte pour les émissions de gaz à effet de serre, elle pourrait diminuer plus rapidement, toujours au profit des renouvelables (inclus hydro) qui représentent dorénavant plus de la moitié de la génération de nouvelle capacité énergétique, d’abord en Chine, aux Etats-Unis, Japon et Allemagne. Les investissements y restent importants et permettent une diminution constante des coûts.
Graphique 1: Part de l’énergie fossile dans la génération d’électricité (%)
Les entreprises représentent de véritables catalyseurs pour l’action climatique avec des engagements de réduction d’émissions carbone importants.
2. Obligations vertes et transition énergétique
L’année 2015 marque une nouvelle année record d’émissions d’obligations vertes : plus de 42 milliards de dollars fin novembre, notamment dans le cadre de la transition énergétique. Ce marché pèse aujourd’hui plus de 100 milliards de dollars et se diversifie à travers les secteurs. Si les banques multilatérales et les supranationaux sont toujours fortement représentés, le monde corporate est dorénavant le premier émetteur représentant près de 45% des émissions de 2015.
Renforcé par les principes des green bonds, ce secteur bénéficie également d’une crédibilité croissante notamment grâce à un reporting et un contrôle des engagements de plus en plus professionnels. Ces initiatives soutiennent le secteur et assure son essor pour les prochaines années puisque les investissements en infrastructure à bas carbone sont gigantesques, en particulier dans les économies émergentes telles que la Chine ou l’Inde qui, à elles seules, nécessiteraient respectivement l’équivalent de 450 milliards de dollars par an et 165 milliards de dollars pour assurer leurs objectifs climatiques de 2030.
Graphique 2: estimation des besoins d’investissement globaux 2015-2060
3. Evasion fiscale
Le cadre régulatoire s’est renforcé durant toute l’année et devrait continuer dans ce sens en 2016 notamment par les implémentations dans les différents pays membres du programme de l’OCDE via le Base Erosion and Profit Shifting Action Plan (BEPS) ou des différentes directives de l’UE. Les premiers effets sont déjà visibles : les cas des Pays-Bas et du Luxembourg condamnés à recouvrir 30 millions d’euros de taxes auprès de respectivement Starbucks et Fiat Chrysler ou dernièrement la Belgique qui doit récupérer 700 millions d’euros de taxes de multinationales ayant bénéficié d’avantages fiscaux déloyaux. A noter que la Commission Européenne a un droit rétroactif de 10 ans sur les taxes impayées.
Les multinationales sont clairement visées ici. Dès 2016, les premières mesures du BEPS seront applicables, principalement la chasse aux pratiques de transfert de prix consistant à exporter les bénéfices vers les pays aux fiscalités plus avantageuses que celle du pays dans lequel l’essentiel de la production se trouve localisée (investissement et personnel). La transparence du reporting pays par pays est un élément à ne pas sous-estimer. Les mesures visent la fin de la double non taxation et devraient freiner sensiblement les moyens d’évasion fiscale.
A noter également l’entrée en application de la Directive européenne comptable et Transparence pour les industries extractives dès 2016.
Le Royaume-Uni a également pris la situation en mains avec la taxe surnommée Taxe Google, soit une taxe de 25% sur les bénéfices artificiels générés dans les pays à plus forte taxation mais déclarés dans les pays à plus faible régime fiscal.
L’évolution du contexte américain est à surveiller puisque la règle de la SEC autorisant aux multinationales de ne rapporter que sur les activités dites « significatives » a ouvert une porte à l’obscurantisme fiscal. Cependant, les multinationales d’origine américaine sont de plus en plus confrontées aux réformes en-dehors de leurs frontières .
Les contraintes budgétaires sont le lot de l’ensemble des pays au monde et le redressement fiscal représente un levier important de ressources supplémentaires de revenus de sorte que les multinationales sont prises d’assaut de tous les côtés avec une pression certaine sur la rentabilité.
Si l’optimisation fiscale se fait régulièrement dans les règles légales, les mesures prises récemment mais surtout le changement d’attentes de la société civile vis-à-vis des grandes multinationales rendent ces échappatoires de moins en moins accessibles et les risques financier et réputationnel sont importants. A nouveau, si les bons élèves n’ont pas encore profité de leur comportement plus exemplaire que d’autres, la transparence fiscale va être un élément de plus en plus discriminant et payant sur le moyen et long-terme. Pour rappel, DJ Sustainability a ajouté à sa méthodologie un critère sur la stratégie fiscale, preuve de l’importance croissante du sujet. Et à regarder le rapport de Transparency International sur les 125 multinationales les plus importantes à l’échelle mondiale, les opportunités sont encore grandes pour se distinguer.
4. Cybersecurity
Alors que sont répertoriées entre 80 et 90 millions d’attaques annuelles relatives à la « cybersecurity » dont près de 70% ne sont pas détectées, tous les secteurs sont concernés : la finance et l’assurance en premier plan mais également les technologies d’information et communication (ICT), l’industrie et la vente en détails. Le coût des attaques cyber peut être considérable : estimé en moyenne à 12.7 millions de dollars pour les sociétés américaines en 2014 le « cybercrime » coûte jusqu’à 575 milliards de dollars par an. Et les estimations s’élèvent à plus de 3 trillions de dollars à l’avenir suite à la hausse constante des fonctions en ligne et des interconnections entre les sociétés et les consommateurs.
Le « cybercrime » affecte le commerce, la compétitivité, l’innovation (perte de la propriété intellectuelle) et dès lors la croissance économique globale.
Si les grandes entreprises sont les premières victimes, les petites et moyennes entreprises sont de plus en plus visées, se pensant à l’abri de par leur taille et n’ayant pas toujours les budgets consacrés à ce risque. Or, ces budgets sont en hausse pour les sociétés conscientes de l’enjeu. Selon PwC, les budgets alloués à la sécurité cyber ont doublé sur les deux dernières années pour les entreprises américaines mais restent encore peu significatifs. En effet, les entreprises tendent à être peu préparées à ce risque important. Cela va au-delà d’une problématique purement IT et doit être au cœur de la stratégie de développement de la société. Une expertise en la matière au sein du comité de direction est certainement un atout pour les sociétés qui veulent perdurer.
Ces quatre thèmes vont continuer à dominer l’année 2016.
S’y joint également un focus toujours constant sur la responsabilité des entreprises envers leurs fournisseurs et ce, sur toute la chaine de délégation.
Également lié à la problématique de cyber sécurité, la gouvernance des entreprises est au cœur des discussions plus élargies sur l’importance de la diversité et l’indépendance des membres.