Dans un environnement en pleine mutation où les utilisateurs attendent un service instantané, accessible en permanence et par n’importe quel canal, les plateformes digitales de gestion de patrimoine « Robo-Advisors » font une entrée remarquée dans le monde de la Gestion de Patrimoine.
C’est Outre-Atlantique que ces plateformes ont connu une croissance spectaculaire au cours des dernières années – ex : le Robo-Advisor américain emblématique, Betterment, gère aujourd’hui plus de 5 Mds$ d’actifs et est valorisé à 700M$, grâce à des levées successives représentant plus de 200M$, proposant de nouvelles offres de produits et de services, et, introduisant une approche innovante de la relation client et une solution à prix attractifs.
Pour Joëlle Durieux, Directeur Général du Pôle Finance Innovation, « Les Robo-Advisors auront un impact significatif et positif à court et moyen terme pour les investisseurs grand public, grâce à une réduction des coûts, à un meilleur accès aux services de conseil et à une plus grande variété de produits ».
Les Robo-Advisors proposent des solutions d’épargne accessibles et compréhensibles par le grand public
La proposition de valeur apportée par les Robo-Advisors se rapproche de celle proposée à la clientèle patrimoniale (cible privilégiée des banques privées). Cependant, ils entendent démocratiser la gestion patrimoniale en proposant des produits avec des seuils d’entrée très faibles, des frais de gestion réduits et une communication transparente sur les gains et les commissions, permettant à tous les investisseurs, quelle que soit la taille de leur patrimoine, d’accéder aux services de gestion habituellement réservés aux clients les plus fortunés.
Les Robo-Advisors proposent également une expérience utilisateur améliorée misant, selon les acteurs, sur la « gamification » ou sur l’éducation financière, et, un parcours client entièrement digitalisé, avec un service accessible en permanence et sur tous les terminaux (anytime/n’importe quand, anywhere/n’importe où, on any device/sur n’importe quel smartphone, tablette…).
« Les Robo-Advisors visent la population entre 38 et 50 ans, en « phase d’accumulation » en proposant des offres simples et automatisées. Sont-ils une menace ou un bienfait pour les acteurs traditionnels ? Il faut y voir un modèle complémentaire aux activités existantes pour servir leurs clients ».
Si certains acteurs de gestion de patrimoine traditionnelle (assureurs, banquiers privés, CGPI) considèrent les Robo-Advisors comme une menace – avec une relation client désintermédiée ou détériorée avec des conseillers remplacés par des « robots » avec un modèle favorisant la gestion passive au détriment de la gestion active – une majorité de ces acteurs y voient l’opportunité d’intégrer un modèle complémentaire à leurs activités existantes, qui leur permettrait de mieux servir leurs clients actuels et d’accéder à de nouveaux clients, dont le patrimoine financier représente moins de 150 K€, jusqu’alors considérés comme trop peu rentable pour être la cible privilégiée des gestionnaires de patrimoine.
Si la gestion de patrimoine traditionnelle vise généralement une clientèle de plus de 50 ans, en phase de « décaissement » et proche de la retraire, le faible coût des solutions rendues possibles par l’automatisation de la gestion des allocations et d’une partie de la relation client permet de viser des clientèles plus jeunes (Génération X, Y), avec un patrimoine moins élevé et en phase d’accumulation.
L’intérêt de ces solutions pour les institutions financières est de capturer cette clientèle à fort potentiel très tôt et de les aider dans la constitution de leur patrimoine et dans la gestion de leurs projets financiers.
Le marché français du « conseil robotisé » reste encore très confidentiel
Si aux Etats-Unis, les trois principaux Robo-Advisors – Betterment, Wealthfront et Personal Capital – gèrent à eux seuls plus de 9 Mds$ d’actifs à fin avril 2016, le marché français est moins dynamique. En effet, avec bien moins de 100 M€ d’encours conseillés ou sous gestion et moins de 7 000 clients, le marché des Robo-Advisors français reste très confidentiel. Les premiers acteurs sont apparus assez récemment et on dénombre aujourd’hui 8 Robo-Advisors qui s’adressent directement aux clients finaux (en B to C ou en B to B to C).
Ces nouveaux acteurs peinent à se développer, principalement en raison de leur manque de visibilité, du coût d’acquisition de nouveaux clients et du manque d’accès aux capitaux sur le marché (moins de 5 M€ de levées de fonds par an). Cependant, de nouveaux acteurs prévoient de lancer leur offre en 2016, comme par exemple LaFinbox ou AEQUAM. A ce jour, la majorité de la clientèle des Robo-Advisor est composée d’« early adopters », des personnes curieuses et attentives aux dernières tendances, cherchant de nouvelles opportunités de placement.
« Les Robo-Advisors français proposent pour l’heure essentiellement du conseil ou de la gestion de portefeuilles d’assurance-vie, de PEA ou de compte-titres »
Ces Fintechs se contentent pour l’instant d’adresser les services « simples » de la gestion de patrimoine
En effet, les Robo-Advisors français ciblent en majorité des services liés à la gestion de patrimoine, mais ils sont aujourd’hui essentiellement concentrés sur les produits simples à intégrer dans un parcours client digitalisé et largement automatisé, tels que du conseil ou de la gestion pour des portefeuilles d’assurance vie en unités de compte, de PEA ou encore de comptes-titres. Laissant ainsi, aux institutions financières établies, les services très haut de gamme ou plus complexes à numériser, tels que la transmission d’une entreprise ou la planification de succession.

Panorama du marché des Robo-Advisors français
Les acteurs traditionnels (Assureurs, banquiers, CGP) sont de plus en plus curieux
Bien que le marché français des Robo-Advisors est encore naissant en France, de nombreux arguments semblent plaider en faveur de son développement et les acteurs traditionnels (banques privées, banques de détails, compagnies d’assurance-vie) s’y intéressent de plus en plus. En observant le marché américain ou nos voisins européens, ces nouveaux acteurs digitaux ont rapidement et largement envahi le marché. Aujourd’hui, certains acteurs traditionnels, comme Vanguard, ont même décidé de faire passer l’intégralité de leur clientèle retail sur leur plateforme de conseils automatisée, tout en conservant les conseillers pour gérer la relation avec les clients dont la situation patrimoniale est plus complexe.
Et si certains ont décidé de développer leur propre Robo-Advisors (Schwab avec Intelligent Portfolios, BMO avec SmartFolio, etc.), d’autres ont opté pour l’acquisition d’une start-up existante comme Invesco avec Jemstep. Le marché américain est aujourd’hui estimé à 50 Mds$ alors qu’il était de 19 Mds$ en 2015 et les experts du marché estiment que les Robo-Advisors vont devenir une norme d’ici 2020.
Qu’en est-il en France ? Certes, le marché français est moins mature, mais la quasi-totalité des institutions financières réfléchissent à l’intégration d’un Robo-Advisor sur leur plateforme afin d’automatiser la gestion de portefeuille ainsi que de digitaliser une grande partie de la relation client : l’entrée en relation, le profilage des clients, la délivrance du conseil et le suivi de la relation. Si ce mouvement était jusqu’à présent plutôt timide, il s’accélère cette année avec le positionnement plus ou moins avancé des leaders de l’assurance, de la banque ou de l’Asset Management avec notamment les prises de participations dans des Fintechs du Crédit Mutuel Arkea, de la Financière de l’Echiquier, d’Amundi ou encore Swiss Life.
Quelle valeur ajoutée pour les acteurs traditionnels ?
Pour Yannick Gaillard, Directeur chez Chappuis Halder & Co., « les Robo-Conseillers seront entièrement intégrés dans les modèles traditionnels, afin de complémenter et optimiser leur offre en gestion de patrimoine. » En effet, les Robo-Advisors représentent une réelle opportunité pour les institutions financières ‘traditionnelles’. Ils permettent de s’adresser à une population qui n’avait pas accès à des services de conseil ou de gestion en investissement financier et qui, par ailleurs, représente 44% du patrimoine financier des français, avec en son sein des clients avec un fort potentiel futur (Générations X, Y et Millenials).
En plus, les Robo-Conseillers peuvent répondre à certains des enjeux auxquels les acteurs traditionnels sont confrontés : nouvelles exigences clients (service 24/7, à travers tous les canaux, transparence, etc.), réglementaires, faiblesse des taux d’intérêts réduisant les marges d’investissement.
Ces plateformes apportent une vraie amélioration de l’expérience utilisateur avec une nouvelle approche de la relation client :
- Automatisation de nombreux processus « à faible valeur ajoutée pour le client » favorisant la rapidité d’exécution et les retours d’informations ;
- Conseil adapté aux objectifs du client et se cantonnant à l’aspect stratégique du portefeuille (et non à l’aspect humain) ;
- Accessible à (presque) tous, quelle que soit la taille du portefeuille de l’épargnant ;
- Axé sur l’éducation financière de l’investisseur et sur sa responsabilisation autour de la décision d’investissement.
Le modèle le plus développé en France est Business to Consumer (8 acteurs recensés à ce jour). On observe toutefois qu’une majorité de ces mêmes acteurs cherchent aujourd’hui à s’intégrer dans les structures traditionnelles avec un modèle orienté B2B2C. Ils se placent ainsi en partenaire ou fournisseur de réseaux de CGP ou des réseaux traditionnels des banques et assureurs. Les Robo-Advisors devraient conseiller les conseillers avant de conseiller les clients. Le développement des Robo-Advisors devraient être pour les gestionnaires de patrimoine, « d’avantage ce qu’a été l’avènement du GPS pour les Taxis que l’Uberisation de leur activité » pour Maximilien Nayaradou, du Pôle Finance Innovation.
Quel niveau d’intégration dans les modèles traditionnels ?
Solution propriétaire | Partant de zéro, l’institution développe une offre omnicanale intégrée pour capturer les principaux revenus et tirer parti des fournisseurs sélectionnés en externalisant les activités à faible valeur ajoutée. (Charles) Schwab Intelligent Portfolios est l’exemple le plus connu |
Acquisition/participation | L’institution acquiert ou investit dans une start-up de type Robo-Advisor, afin d’intégrer la solution dans son modèle d’affaire existant. La stratégie de développement est définie par la start-up et le Time-to-Market est plus rapide que pour une solution propriétaire |
Partenariat commercial | Partenariat de distribution ou d’allocation avec entre une start-up et une autre institution financière |
Marque blanche ou grise | Utilisation de la plateforme d’une start-up sous marque blanche pour proposer des services d’épargne & gestion de patrimoine à une clientèle retail |
A ce stade, la plupart des institutions financières françaises sont restées discrètes quant au lancement d’une solution de conseil automatisé, même si des partenariats se sont déjà noués avec les start-ups (AEQUAM avec Fundshop, le Crédit Mutuel avec Yomoni).
Par ailleurs, nous constatons de nombreux signes (annonces de recrutement, évènements, etc.) laissant à penser que d’autres acteurs se posent également la question de proposer à leurs clients des services de conseil automatisés (BNP Paribas, Société Générale, Swiss Life, La Banque Postale, etc…).
Notre conviction est qu’il ne faut pas voir l’automatisation d’une partie du conseil financier comme une menace, mais qu’il faut voir ce changement comme une opportunité pour les gestionnaires de patrimoine (assureurs, CGPI, banquiers privés) de redéfinir leur modèle économique et ainsi d’améliorer la qualité de service proposés à leurs clients existants, mais également d’aller capter une population peu ou mal servie à l’heure actuelle.