Start-Up Breakfast #6 — L’anti-pitch de Ditto Bank et LegalPlace

Aujourd’hui s’est tenue la sixième édition du Startup Breakfast dans l’illustre et symbolique Palais Brongniart. Accueillis pour l’occasion par Finance Innovation, le pôle de compétitivité dédié à l’innovation, nous avons entendu Sylvain Pignet, fondateur de Ditto Bank, et Mehdi Ouchallal, COO de LegalPlace, décrire leur aventure entrepreneuriale.

 

De constats simples, des aventures entrepreneuriales peu communes

Ditto Bank a d’abord été une idée rejetée, bousculée et remise à plus tard pour Sylvain Pignet alors secrétaire général du groupe international de paiements et changes, Travelex. Elle était née du constat personnel des difficultés au quotidien de gérer ses comptes bancaires lors de ses déplacements à l’étranger. A l’époque, il lui fallait recourir à 3 comptes en banque et un courtier en devises afin d’éviter les frais exorbitants et les commissions de change. Malheureusement, en 2011, Ditto Bank n’avait pas été jugée pertinente ni par son employeur ni par son actionnaire principal, réticents tous deux aux investissements importants qu’un tel projet impliquait. Ce temps d’attente n’a pas été pourtant perdu : au contact avec les innovations du groupe (1er produit de change sur internet, cartes prépayées, service de paiement entre entreprises…), Sylvain s’est formé à l’intrapreneuriat et a patiemment attendu un changement d’actionnaire pour le convaincre de se lancer, non pas dans l’adaptation d’un service à une structure existante, mais dans la création d’une nouvelle banque ! Le résultat est la naissance d’un environnement unique pour toutes les devises, le tout sur une seule carte.

Mehdi Ouchallal, avant de fonder LegalPlace, a d’abord été avocat d’affaires spécialisé en fusions-acquisitions. Confronté à des TPE et PME qui avaient besoin de services juridiques, il remarque leur manque de moyens : ces entreprises ne peuvent pas se permettre les services d’un « artisan » spécialisé payé à l’heure, en bref un avocat. Avec trois cofondateurs, ils repensent la manière de faire du droit et instillent de la technologie dans un métier jusqu’alors fondé sur l’expérience et l’art du praticien. Le résultat de ce processus est une plateforme d’accès au droit dédiée aux particuliers et aux PME avec plus de 700,000 visites par mois.

Le processus d’effectuation: confronter son innovation avec le marché

L’approche du marché de LegalPlace a été directe : le besoin et le marché du droit sont clairement identifiés aussi bien pour les entreprises que pour les particuliers et le TPE. Les compétences de l’équipe leur ont permis d’aller directement se frotter aux particuliers pour lesquels ils ont pu construire des premières arborescences efficaces et générer les premiers revenus.

Le processus de lancement de Ditto Bank est d’abord passé par une phase longue de recherche de financement : créer une banque, c’est un peu plus compliqué qu’un site de e-commerce. Lucide, Sylvain Pignet reconnaît qu’il a dû modifier plusieurs fois son discours avant de trouver le déclic : trois investisseurs de référence pour lancer le processus d’agrément bancaire. Au-delà de l’absence de momentum en 2011, il n’a pu convaincre ses investisseurs qu’une fois le marché bien identifié, rationalisé, chiffré et s’être entouré de talents complémentaires.

S’entourer pour créer un cycle de croissance vertueux

Bien se développer c’est d’abord bien se connaître. Sylvain Pignet se définit comme un optimiste invétéré. Si cette approche lui a permis de continuer à croire en son projet pendant les 5 années qu’à pris son lancement, il lui a fallu, pour « doucher » son enthousiasme, s’entourer de personnes avec les pieds sur terre et un sens aigu des problèmes opérationnels. Passés le cœur de l’équipe, le second cercle des collaborateurs se doit d’être en accord avec les valeurs de l’entreprise : ainsi, en harmonie avec leur image de la banque internationale des devises, tous les employés de Ditto Bank ont été confrontés au problème des changes, soit parce qu’ils sont des étrangers basés en France ou parce qu’ils ont été à l’étranger.

Pour Mehdi Ouchallal, la clé du succès est une combinaison de frugalité et d’opportunisme. La frugalité est la constitution d’une équipe complémentaire, ici composée d’ingénieurs et d’avocats, capable de créer les premiers produits et d’initier une activité. Ce critère est essentiel pour l’équilibre financier de la startup. L’opportunisme est le choix du développement des produits potentiellement les plus populaires et les moins compliqués à développer. L’application de ce principe donne une économie significative d’une autre ressource rare : le temps.

Plus que des financements, la recherche d’un accompagnement

L’application de son développement vertueux pour LegalPlace leur a donné une position confortable lorsqu’est venu le temps de la négociation. Leur besoin a donc été non pas de trouver des financements mais de bien choisir ses investisseurs. Eliminant les fonds qui misaient sur une simple idée, l’équipe de LegalPlace a choisi de privilégier un fonds partenaire qui accompagne l’équipe sur le long terme, Day One Entrepreneurs & Partners.

Les fonds dont a besoin Ditto bank placent la recherche de financement dans un autre univers. Les montants étant très significatifs (+20 millions d’euros pas ticket), Sylvain Pignet nous confie ne pas être à la recherche de fonds d’amorçage mais des partenaires pour l’accélération de leur développement.

Les aléas de l’intrapreneur en quête d’indépendance et de l’entrepreneur roue libre

Il n’y a pas de startups qui ne rencontrent pas de difficultés, et les startups présentes ce matin ne font pas exception. Pour Sylvain Pignet, les difficultés viennent de sa situation entre deux fonctions. Entre les besoins de son employeur-actionnaire et les jalousies liées à la liberté donnée à la néo-banque, il a fait face à une situation de conflit de priorités; et cela sans pouvoir se dérober sur aucun des fronts en raison de la longueur de l’obtention de l’agrément bancaire et son rôle stratégique dans son ancien travail. L’enjeu pour Ditto Bank est maintenant de faire grandir sa base de clients et de s’étendre à l’international, d’autant plus facile que l’agrément bancaire français (« cocorico ») est l’un des mieux reconnus à l’international.

Pour Mehdi Ouchallal, le danger réside dans la trompeuse absence de difficultés présentes. L’absence de disruption sur le marché des services juridiques et le confort d’une situation financière presque à l’équilibre poussent LegalPlace à s’endormir sur ses lauriers ou à se disperser dans des projets multiples ; une tendance pernicieuse entretenue par un élargissement progressif de l’équipe, qui met en péril la culture concentrée de l’entreprise. Pour faire face, la surveillance sans relâche des processus, de leur mise en place disciplinée et un recrutement exigeant sont de mise.

Cette 6ème édition du Startup Breakfast nous a permis de rencontrer deux startuppers déjà bien lancés dans leur processus d’effectuation. Nous retiendrons que le succès tient non seulement à la résolution d’un problème simple sur un marché identifié, comme l’absence de services juridiques abordables pour les TPE et particuliers ou la complexité de la gestion des finances personnelles des transfrontaliers, mais aussi à l’approche multidisciplinaire et complète de ces problèmes.

Bien s’entourer et avoir les talents nécessaires aux cœurs des équipes, quitte à les cimenter par des liens capitalistiques, sont les premières briques d’une croissance sereine.

Tenez-vous informés pour connaître la date de notre prochain Startup Breakfast, et rencontrer de nouveaux fondateurs avec cette soif d’entreprendre et de développer la Tech française !

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