Portrait du Mois Juin 2022

Retrouvez Stéphanie Saint-Pé, Déléguée générale de l’AFTI

Le Portrait du mois par Finance Innovation

Propos recueillis par Marie Cornet-Ashby 

 

«L’AFTI est l’Association Française des Professionnels des Titres. Créée en 1990, elle est forte de plus de trente ans d’existence !

Aujourd’hui, elle représente les métiers du post-marché : les infrastructures de Place, les teneurs de comptes conservateurs, les administrateurs de fonds, les dépositaires, les traitements des données et les services aux émetteurs, notamment. Au-delà de fédérer ces métiers, elle accompagne et défend les professionnels de ce secteur. Les missions des acteurs du post-marché sont d’assurer à la fois la bonne fin des transactions financières, mais également tous les services rendus aux émetteurs et aux investisseurs !

L’AFTI a toujours suivi l’évolution des marchés financiers dans lesquels elle est largement impliquée. La représentativité des métiers a évolué, et elle s’est élargie…

Aujourd’hui, l’AFTI se positionne résolument dans les courants d’innovation et de finance verte des années à venir…»

Stéphanie Saint-Pé 

Vous êtes diplômée d’un DEA de droit des affaires et de l’économie à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et titulaire du Certificat d’aptitude à la profession d’avocat (CAPA). Une motivation, vous a-t-elle guidée quant au choix de votre parcours universitaire ?

Littéraire, j’étais titulaire d’un bac B économique. Et pour accomplir mon souhait de travailler dans la finance, je me suis orientée vers le droit financier à travers un parcours universitaire classique de juriste jusqu’en DEA. Par la suite, naturellement après l’obtention de mon CAPA, je me suis rapprochée de cabinets d’avocats internationaux spécialisés en droit financier.  

Je suis issue d’une famille de gérants de portefeuille, et mon père, au départ jeune commis d’agent de change, a été une motivation essentielle, dans mon orientation professionnelle. Je l’ai accompagné dès mon plus jeune âge à la Bourse. Nous déjeunions, au Vaudeville ou chez Gallopin… des brasseries proches du Palais Brongniart fréquentées par le milieu financier à l’époque. C’est dans les années 1980 que j’ai découvert tout cet écosystème des marchés financiers ! J’ai connu la Bourse historique… Ses séances agitées sur le « parquet » au sein du Palais Brongniart avec les ordres à la criée, les fichistes, les cabines téléphoniques assiégées pour la confirmation des passages d’ordre ou transactions aux structures ! Et cette passion depuis mon enfance pour la Finance, m’a conduite dès l’âge de 16 ans à m’investir dans des stages longs durant l’été au sein de sociétés de bourse. Par la suite, après l’obtention de mon DEA en 1998, j’ai eu la charge de la revue de presse de l’AMF (ou la COB à l’époque), et j’étais passionnée. Je me souviens de cette cloche qui sonnait, de ce tableau noir avec ces cours de bourse fluctuants inscrits à la craie, de ce sapin de Noël de 10 mètres de haut et de mes poissons rouges gagnés à ces fêtes de Noël. Des souvenirs d’enfance extraordinaires, et toujours très frais dans mon esprit…  

La Finance est aussi au cœur de ma vie puisque je me suis mariée avec un broker et la marraine de mon fils était, jeune fichiste dans les années 90.   

Puis vous exercez la profession d’avocat spécialisé en droit financier au sein de grands cabinets français et internationaux ?

Je voulais travailler en cabinet d’affaires, et plus précisément en droit financier. J’ai commencé ma carrière en tant qu’avocate au sein du cabinet français August & Debouzy. Un cabinet familial, très international et politique. Et à cette époque, j’ai eu l’honneur de participer à la négociation de la dette du Gabon au Club de Paris. J’ai collaboré aussi au sein de Landwell & Associés, une société française d’avocats membre du réseau international PwC. Puis, j’ai intégré la direction internationale du cabinet d’affaires Fidal doté d’un fort maillage régional.  

Et d’ailleurs mon stage d’avocat, je l’ai fait au sein du prestigieux cabinet Gide, et j’ai collaboré avec Jean-Marc Desaché. J’y ai appris toutes les bases fondamentales du droit boursier avec l’aide de mon livre de chevet, rédigé par mon ami Hubert de Vauplane, « Droit des marchés financiers » fin 90.  

Mon maître-mot est la transversalité. Et de mon point de vue, elle est essentielle pour travailler dans ce milieu-là. J’ai toujours compris qu’il fallait être transversale pour être efficace, c’est un gage d’expertise !  

Et je ne choisissais pas mes dossiers, mais mes associés en fonction de leurs expertises. J’ai eu des expériences extrêmement variées qui m’ont permis d’avoir une vue très globale sous plusieurs angles dans le monde si large de la Finance. 

Par la suite, vous rejoignez l’univers des associations professionnelles. Un choix intentionnel ou peut-être un concours de circonstances ? Pouvez-vous revenir sur vos différentes responsabilités dans ce domaine ?

Je ne me sentais pas assez proche du monde de la finance en tant qu’avocate. Donc un choix intentionnel pour me rapprocher du monde de la gestion d’actifs… mon Œdipe personnel ! Ensuite, un concours de circonstances, puisque jeune maman de deux petits enfants en bas âge, le métier d’avocat d’affaires était trop prenant du fait de mes responsabilités familiales.  

Et en tant qu’avocate, j’entretenais des relations avec des associations professionnelles, dans le cadre d’éclairages juridiques et techniques. Et naturellement, je me suis tournée vers elles pour me situer au cœur du réacteur, tout en cultivant mon attachement intrinsèque au collectif.  

Je rejoins alors l’AFG par le biais d’une création de poste de directrice juridique adjointe. J’y crée, un peu contre l’avis de tous, un groupe « droit des marchés » ; une fierté aujourd’hui puisqu’il est devenu une commission permanente à laquelle participent toutes les grandes maisons de La Place et disposant d’un directeur dédié au sein des permanents de l’AFG désormais ! Lors du congé de maternité d’une collaboratrice, j’ai aussi repris son département « vie des acteurs », me permettant d’animer la Commission des sociétés de gestion entrepreneuriales présidée par Eric Pinon, actuel Président de l’AFG. Dans cette volonté de rassemblement de La Place, j’ai collaboré à l’animation et à l’apport d’expertises pour la vie des sociétés de gestion entrepreneuriales.   

Par la suite, en allant aux entretiens de l’AMF en 2013, je croise Arnaud Dewachter, Délégué général de l’ASPIM (Association des sociétés de fonds immobiliers) à l’époque. Et je lui dis : « Compte tenu de la nouvelle directive AIFM, qui va imposer aux gestionnaires de SCPI ou d’OPCI, des exigences complémentaires : tu vas avoir besoin de moi pour aider tes adhérents ». Il me propose alors un poste nouvellement créé de directrice juridique et fiscale.   

Après avoir accompli ma mission personnelle d’aider les sociétés de gestion de portefeuille (SGP) spécialisées en real estate (immobilier), je suis sollicitée pour être Déléguée générale de l’AFTI… 

Forte de vos réussites, vous êtes nommée Déléguée générale de l’AFTI dont l’objectif initial visait à réunir les grands établissements bancaires et financiers. Aujourd’hui quelles sont les missions de l’AFTI ?

Lors de la première année, j’ai découvert que l’AFTI ne représentait pas uniquement le contrôle du respect de la gestion d’actifs (ou de fonds) confiée à des dépositaires.  

Et je suis ravie d’avoir participé, il y a dix ans, à la rédaction de la grande réforme de la gestion du passif dans le règlement de l’AMF. L’AFTI existe depuis 1990, elle doit suivre les transformations de notre siècle, et devenir une entité moderne. Depuis l’apparition de la blockchain en 2008, la finance a évolué vers le 2.0. 

L’AFTI a pour mission de défendre l’intérêt de nos adhérents et de promouvoir des bonnes pratiques de Place dans nos métiers. Comme l’explique notre Président, il s’agit de mettre collectivement l’ensemble des expertises afin d’aider le métier dans sa globalité. Et nos membres suivent cet alignement ! De ce fait, l’AFTI est forte comme un seul homme ou comme une seule femme !  

J’ai moi-même contribué à définir une règle simple et efficace, celle du consensus entre nos membres. Aucune décision n’est prise sans ce consensus intrinsèque à l’AFTI. Il guide notre association, et il sert de base à nos ressources tout comme nos réponses à consultations tant françaises qu’européennes, notre papier de position, nos conférences, nos publications et nos partenariats. Le Président de l’AFTI prend les grandes décisions stratégiques. Quant à moi, je suis un peu le chef d’orchestre de la production de l’AFTI. Si nous défendons le consensus des métiers des titres, notre rôle est aussi d’assurer la fluidité des relations entre nos membres et les autorités. Cela signifie de faire passer les messages entre nos adhérents et ces mêmes autorités.   

L’AFTI dispose d’une grande activité événementielle, une mission importante est de la faire connaître ! Si une chance m’est donnée dans ma liberté de choix, notre Président les valide bien entendu.  

À titre d’exemple, parmi les activités proposées aux membres, nos conférences sont très suivies. Leur fréquence a été rationalisée afin de suivre au plus près la vie des marchés. Une conférence thématique par mois est désormais proposée avec cette volonté de faire avancer nos métiers ! 

L’AFTI est une association professionnelle régie par la loi du 1er juillet 1901, elle regroupe des membres qui disposent de services à forte valeur ajoutée…

L’AFTI représente un grand nombre de métiers du post-marché. Le post-marché : c’est tout ce qui se passe, une fois qu’une transaction a eu lieu, qu’elle soit sur le marché ou hors le marché. Il s’agit bien de la bonne fin de la transaction. À ce titre, le post-marché est le maillon central de la chaîne des titres. Et l’on peut dire que l’AFTI propose une chaîne de valeurs. Les métiers du post-marché : ce sont les métiers des infrastructures de Place, des dépositaires, du service aux émetteurs, de la prestation de services d’investissement.  

Nos membres sont des tiers de confiance. La Banque de France, l’OCBF… sont adhérents de l’AFTI. Nos membres contribuent à nos événements à titre gratuit, ils s’y consacrent avec un grand professionnalisme et une forte implication !   

En tant que femme, il m’a fallu m’imposer auprès de ces membres différents, et cela au fil du temps. Le Droit structure la pensée, il permet aussi de créer un arbre de décisions. J’ai acquis de l’assurance, et nos relations ont évolué. Mon sens de la transversalité, mon côté opérationnel et ma connaissance des dossiers ont créé une crédibilité auprès des membres. Le respect est aujourd’hui mutuel…   

Au-delà de ses membres, l’AFTI est-elle enrichie par un écosystème de partenaires actifs ?

L’AFTI organise de nombreux événements avec des partenaires. Et de façon régulière avec la FBF, Europlace, l’AMAFI, l’ANSA, l’AFEP, l’AFG, l’ADAN et Finance Innovation notamment. Ces événements peuvent passer par du sponsoring, de la co-organisation, ou de l’échange de visibilité avec la Revue Banque ou l’AGEFI à titre d’exemples. L’AMAFI qui est l’association représentative des acteurs de marchés financiers installés en France est administrateur de l’AFTI.   

Nous venons également de conclure un partenariat avec l’ADAN qui est l’association des actifs numériques.   

L’AFTI prône des valeurs de patrimoine représentées par les anciens. Nos métiers sont très techniques, et en termes de formation : leurs savoirs sont essentiels pour les jeunes. L’AFTI est un interlocuteur professionnel dans le domaine de l’enseignement. Et nos experts proposent des cours pour les universités avec lesquelles nous avons tissé des partenariats.   

Tous les acteurs de la Place le confirment, nous accordons une grande importance à la formation professionnelle. 

Dans un monde en constante évolution, comment positionnez-vous les priorités de l’AFTI à court terme ? Avec quelles ambitions ?

Je dirais à travers la modernisation de façon générale.   

À titre d’exemple, l’AFTI a élaboré récemment un cahier des charges de bonnes pratiques financé par un tour de table des acteurs afin de digitaliser les ordres de mouvement (ODM) via un opérateur informatique. La société SLIB a été retenue pour réaliser et opérer Registraccess®, une plateforme utilisant la technologie blockchain/DLT. Une technologie qui est fonctionnelle depuis le 1er janvier !   

Ensuite, la Finance verte est un sujet majeur pour nous, avec la nouvelle réglementation dite SFDR « Sustainable Finance Disclosures Regulation » émanant de la Commission européenne, dont l’application est prévue en janvier 2023. Il nous faudra être précis, et faire connaître les métiers du post-marché dans cet environnement déjà pré-structuré par le règlement européen dit « Taxonomie ».  

Les réseaux sociaux s’inscrivent également dans notre stratégie de communication à travers notre page LinkedIn, et notre chaîne YouTube qui mémorise déjà le savoir (la compétence et l’expérience) de nos aînés à destination de notre public de jeunes, étudiants et professionnels. 

L’Assemblée générale de l’AFTI en mai dernier a ainsi validé à l’unanimité le changement de nom de l’AFTI dans ce même souci de modernité. Mais notre plan de communication ne sera lancé qu’en septembre sur ce point central.   

Ces adaptations au monde d’aujourd’hui nous offrent une meilleure visibilité, elles s’inscrivent dans notre volonté d’être une force de proposition non seulement en France, mais également au niveau européen et international !

Pour en savoir plus sur AFTI https://www.afti.asso.fr/ 

LinkedIn Stéphanie Saint-Pé https://www.linkedin.com/in/st%C3%A9phanie-saint-p%C3%A9-6a0a255/ 

Source : Propos recueillis par Marie Cornet-Ashby pour Finance Innovation 

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