Et si la #blockchain rendait l’assurance plus performante? @RevestMichel/ @GroupeCovea

Avec la blockchain, comme avec toutes les innovations technologiques majeures, la première des erreurs est de croire à son succès du simple fait du caractère innovant de la technologie.

Voici l’analyse de Michel REVEST , Directeur Recherche et Innovations COVEA

La promesse de la blockchain

La blockchain qui n’est qu’un protocole de transaction de données entre un émetteur et un bénéficiaire, sera peut-être la révolution de demain comme l’a été l’Internet. La blockchain marquera à minima une transformation profonde de l’activité des tiers de confiance que sont la banque et l’assurance, pour ne citer qu’eux. La blockchain mettra peut-être en cause les pouvoirs régaliens, identités des personnes, reconnaissance des droits et propriétés, monnaie, tels qu’ils sont exercés aujourd’hui.

Et si la vraie question était ailleurs…

La blockchain ne s’imposera que si elle répond à un besoin, à des usages, mieux encore si sa fonction répond à des tendances sociales lourdes, de long terme. Réfléchir à la blockchain, c’est questionner son rôle social, la place que cette technologie pourra prendre dans la société, définir ce que sera son rôle social.

La blockchain sera ainsi publique (celle du bitcoin et de bien d’autres applications), semi-publique (d’organismes à vocation générale), collective ( la blockchain des banques ou des assureurs) et privée ( celle d’un acteur économique, d’une entreprise), mais à chaque fois, il lui faudra justifier d’un rôle dans la société, d’une utilité, être légitimée par son usage. Son activité devra avoir un sens.

La blockchain sera-t-elle un (le) contre-pouvoir aux Etats ? Tout dépendra de la place qu’elle saura prendre dans la société.

Ce qui est sûr, c’est que ni rôle ni le sens de la blockchain ne devraient être décidés verticalement, par les autorités en place, les entreprises en position sur le marché, mais par la base.

C’est le danger pour les acteurs de l’économie : on ne sait pas si la blockchain réussira, si elle prendra de la place et expulsera tel ou tel acteur qui n’aura pas su anticiper ou proposer les services adéquats pour le rendre inutile. Ce qu’on sait, c’est que la réponse, l’intérêt de la blockchain sera apporté, prouvé et créé par la base, les particuliers, les communautés. Les acteurs en place devront être attentifs, instaurer un veille, savoir anticiper.

La blockchain et le pouvoir de la communauté

Les sociétés muteraient avec une blockchain publique « universelle »: une organisation étatique verticale avec des pouvoirs délégués et des relais, où la légitimité de l’état des personnes et des biens procède de l’Etat et de ses institutions, où la collectivité des personnes membres de l’Etat a délégué ses pouvoirs à une organisation collective qui la représente, à une organisation horizontale, celle de la « blockchain ». La collectivité des utilisateurs de la blockchain exerce le pouvoir, elle ne le délègue pas ; c’est la communauté qui valide les transactions ; c’est de la communauté qu’on tirerait la légitimité de son état de personne et de ses biens, que tous les actes, les contrats, les engagements, les transactions leur valeur.

Le principe de la blockchain repose sur le fait que la transaction entre l’émetteur et le bénéficiaire est reconnue par la communauté entière qui valide et défendra les transactions validées : elle en est le garant. La légitimité de la communauté est la base de la blockchain ; un accord, un contrat, une reconnaissance de droits (ceux d’un ouvrage) n’engagent pas que les deux acteurs de la transaction, mais « la chaîne »tout entière.

L’aspect communautaire de la blockchain est la clé

La blockchain, l’assurance et la société

Mais pour comprendre la blockchain et ses liens avec l’assurance, il faut replacer l’assurance dans la société : le rôle de la blockchain dans l’assurance dépend du rôle de l’assurance dans la société.

La fonction de l’un dépend de la fonction de l’autre.

Si la blockchain devient un phénomène de société, le monde de l’assurance ne peut qu’être en première ligne parce que l’assurance a un rôle primordial dans la société.

Prendre conscience que nous vivons dans une société assurancielle et qui le sera de plus en plus (développement de la matière assurable, vieillissement, nouveaux comportements et usages, nouveaux risques technologiques, nano et biotechnologies notamment) , c’est se poser la question de la place de la blockchain dans une société assurancielle , si la blockchain devient un phénomène social majeur.

Si la blockchain vient à jouer un rôle social majeur, les assureurs, comme les banques, n’auront d’autres choix que de les intégrer dans leurs prestations, d’en tenir compte dans leurs métiers ; la réussite de la blockchain ne dépend pas d’eux, son développement non plus, mais si elle devient un élément du quotidien, un procès de tous les jours, une fonction banalisée, ils ne pourront que « faire avec. »

L’assurance n’est pas de son côté qu’un outil financier d’optimisation des flux, un régulateur de masses financières.

Le contenu de l’assurance a un objet : la société.

 

Le blockchain peut s’imposer à l’assurance mais elle ne peut pas ignorer l’assurance

Les mécanismes assuranciels de toutes natures représentent un poids majeur dans la richesse des nations.

Plus que la banque, l’assurance a un rôle central dans le fonctionnement de nos sociétés.

Sans assurance, pas de société ; sans sa fonction stabilisatrice, elle ne pourrait se développer et offrir la qualité de vie souhaitée par ses membres.

Sans énergie, le monde deviendrait celui de « Mad Max » ; sans assurance, ce serait pire.

Ramener l’assurance à une fonction économique est trop réducteur.

Si la blockchain s’imposerait par la base à l’assurance – les assurés – , la blockchain ne pourra ignorer l’assurance.

Les mécanismes assuranciels pèsent dans les pays développés de 35 à 45 % du PIB (45 % en France dont 10 % pour les assurances privées de toutes natures), assurances sociales, assurances publiques et privés sont des facettes d’une même problématique, d’objectifs communs.

En France les assurances privées en stock représentent le poids du PIB ; les assurances sociales et privés, la valeur potentielle de plusieurs PIB.

Les ordres de grandeur des autres pays ne sont pas si éloignés, la France représentant quand même 6 % de la richesse et 15 % des assurances sociales.

De son côté, la blockchain, si elle s’impose comme service, utilité incontournables dans la société, devra donc aussi « faire avec ».

L’alliance win-win blockchain/assurance

Les révolutions en cours, ou le tsunami à venir ?, devrait obliger à repenser le rôle social de l’assurance dans sa vraie dimension qui a pu être oublié avec la crise et les réglementations pour améliorer la solvabilité des assureurs, régir un secteur clé de l’économie.

La blockchain pourrait l’y aider, selon des modalités, des schémas, des scénarios qui restent à inventer.

Les solutions de Fintech/InsurTechs compensent les carences des assureurs, apportent une valeur ajoutée précieuses mais somme toute limitée.

Avec la blockchain elles ont un nouveau terrain de jeu plus que prometteur à ce jour.

Pour répondre au rôle de demain des assureurs ne faudra-t-il pas des acteurs qui soient disruptifs ? Qui aillent bien au-delà de la gestion des données, de la dématérialisation des documents et procès, d’une meilleure connaissance de clients et de l’optimisation de l’utilisation des réseaux sociaux ?

La blockchain impacterait l’assurance en gérant mieux leurs documents et contrats, en réduisant leur frais, en coupant dans leurs coûts, en améliorant leur performance, leur profitabilité : elle permettrait de mieux répondre aux besoins de l’assurance et de ses impératifs de gestion et solvabilité (meilleure connaissance des risques et des clients que sont les assurés ; prévention plus réactive et personnalisée).

Mais surtout, la blockchain doit servir à mieux assumer le rôle social de l’assurance, mieux valoriser son rôle dans la société : de mieux comprendre la société, ses attentes, de mieux répondre à ses besoins, faire émerger « l’assurance de demain ».

En d’autres termes pour savoir ce qu’apporte la blockchain, la place qu’elle pourrait avoir dans l’assurance (actuelle ou future), il faut avoir défini le rôle social de l’assurance, son évolution, ou du moins en avoir une certaine conception.

 

La vraie question: en quoi la blockchain améliore-t-elle le rôle sociale de l’assurance ?

La question se résume à celle-ci :

En quoi la blockchain rendra la société plus fluide, réactive, plus solidaire, plus performante, plus innovante.

La question centrale posée par la technologie de la blockchain, l’apport de ce protocole est : en quoi elle améliore le rôle sociale de l’assurance ?

  • Elle rend l’assurance plus performante (procès, efficacité des méthodes) ?
  • Elle apporte une meilleure connaissance des risques.
  • Elle procurera plus de données sur les assurés pour la vente et le ciblage, la pertinence des produits.
  • Elle facilitera plus encore la prise de risques, la mobilisation des capitaux, l’investissement sur des territoires nouveaux d’activité, le progrès et donc la croissance.
  • Elle fluidifiera les mécanismes assurantiels de la société, la solidarité, les risques trans- générationnels, la solidarité des classes et des catégories de la population (personnes à risque, vieillissement, gestion des coups durs, aléas de la vie quotidienne, etc…).
  • Elle gérera les nouveaux usages liés aux biens (pour une meilleure mobilité, un mieux disant sur le logement, …).
  • Elle personnalisera et rendra réactives la prévention et la protection des biens et des activités.
  • Elle donnera les outils pour gérer sa santé (gestion de ses données médicales, e-santé, etc…)

 

Michel REVEST
Directeur Recherche et Innovations COVEA